Petit rappel chronologique de la
carrière de l'auteur, par périodes,
et avec un focus français :
1940 -1986
Né en 1940 à Anderson dans le Missouri, Richard
Corben a fait ses études de dessin à Kansas City.
Fidèle au Missouri et à Kansas city, c'est dans cette ville
qu'il a ensuite débuté dans le film d'animation et qu'il vit
encore aujourd'hui. De près d'une dizaine d'année consacrées au
dessin animé, de 1963 à 1972, Richard Corben a gardé une science
du découpage et du montage qui le place à part dans le milieu
des comix underground. (...)
Il collabore à partir de 1970 aux magazines de James Warren: Creepy,
Eerie et Vampirella.
Dès ses débuts en 1968 dans le fanzine Voice
Of
Comicdom, puis dans toute une série de revues
d'amateurs à tirages confidentiels, il refuse la facilité
commerciale et ses contraintes thématiques. Bientôt il commence
à produire pour les comix underground ou leur donne pour
réédition des planches publiées auparavant par des fanzines. Il
travaille pour Skull Comics,
(avec sa première bande pour l'underground: Benoit
le Boiteux), pour Death
Rattle, Weird Fantasy, Anomaly, Fantagor, Grimwit, Up From The
Deep... petits illustrés en noir et parfois en couleur,
dans lesquels il ne tarde pas à devenir la vedette, devant
d'autres grands tels que Tim Boxell, Spain, Shendan, Jaxon et
Greg Irons.
Sous son nom ou sous le
pseudonyme de Gore
("tripes à l'air" ?), ou bien Corbou,
il donne pendant plusieurs années de petits joyaux
d'humour noir et d'horreur, de science fiction et d'érotisme.
"(...) Warren
venait d'introduire la quadrichromie dans ses magazines quand
Richard Corben proposa des histoires en couleurs sélectionnées à
la main. (cf:"Cidopey") Les premières apparurent sporadiquement
dans ces magazines. La réaction fut immédiatement favorable".
Warren publiait à l'époque Le Spirit
de Will Eisner, sous forme de magazine, et la plupart des pages
couleurs sont à mettre à l'actif de Richard Corben.
(Fershid Barucha in Vols
fantastiques).
Au début ce furent des
histoires héritées dans leur structure des illustrés d'horreur
des années cinquante. Des illustrés si dérangeants que la
censure en était née en 1954 et les avait ensuite mis à mort.
"(...) Des personnages présentaient les histoires dans les
magazines d'horreur de E.C comics, et on se souvient de Crypt Keeper,
d' Old Witch et de
Vault Keeper. Plus tard, Uncle
Creepy, cousin Eerie
et Vampirella firent de
même dans ceux de Warren, comme Cain,
Abel et les trois
sorcières de chez D.C comics. Mais quand Richard Corben créa des
personnages pour présenter les histoires des journaux
underground, ils étaient si différents que leurs prédecesseurs
ne souffrirent pas la comparaison. Gurgy
Tate était une cape avec un nez, Fantagor
(et Uk)
était/étaient un bossu à deux têtes, et Horrilor
avait le corps le plus sexy qui soit, mais..quelle tronche! !"
(Fershid Barucha in Vols
Fantastiques).
"Mais il y eut aussi des
histoires d'Heroic fantasy qui permettaient si bien de montrer
des femmes nues soumises aux pires turpitudes par de vils
magiciens. Et puis ce fut la science- fiction, mais pas celle de
l'âge d'or, sens du merveilleux et des progrès de la machine;
celle plutôt de la peur et des avertissements, celles des terres
détruites par une technologie mal dominée. Monstres hérités
d'holocaustes atomiques plutôt que de filtres magiques, hommes à
moitié bêtes, bêtes à moitié hommes.
Il y a cependant une constante dans tous les récits
illustrés par Corben,
liée à son style propre, à ses couleurs anormales qui font les
peaux inhumaines ou malades.(...) "
(Marc Duveau dans l'introduction de "Ogre")
1984 et 1986 sont des années charnières en France puisque ce
sont les dernières à voir paraître des albums de qualité, (avant
quelques années de vache maigre) : Jeremy
Brood, et La
chute de la maison Usher. Sans compter Pilgor,
auto parodie, et Créatures
de crèves qui n'est qu'une compilation de petits récits
couleurs.
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Photo : ©
ed.Triton, 1980 |
1988
: Un retour avant le retour ?
Les
Enfants du Feu, superbe histoire, paraît dans USA
magazine pour la France, du n°33 d'avril 88 au n°36. Elle
correspond au grand retour de Corben avec un scénario
shakespearien que l'on dit même influencé par "la Tempête".
Celui-ci se termine dans une apocalypse éruptive où le personnage
principal (Kil, un (une ?)
extra terrestre musclée) perd tout espoir... Cela est censé se
passer sur Neverwhere, l'univers de Den, mais Den n'est pas là...
C'est en fait la dernière histoire de SF en couleurs valable (mis
à part Vic & Blood
1989) avant le quatrième retour officiel de Den,
quelque peu déplorable, en 89.
Ce dernier come back correspond en effet au retour du héros qui se
fait dans le n°44 d'Usa
mag, en novembre 89, après
8 ans d'absence, et dure jusqu'au n°5l (nov 90).
(Den IV : "Dreams and all arums"Cf.
intro de Fershid Barucha dans le #44 d'USA mag, ci à droite.)
Malheureusement, ces derniers
chapitres ne seront pas à la hauteur de nos espérances à l'époque.
Trois albums paraissent en France dans la collection Comics USA en
édition cartonnée, vantant le retour de DEN.
Le début prometteur s'est étouffé rapidement dans une redite de
scènes déjà vues, de bagarres pas trés originales, le scénario
s'autoparodiant. On ne sait plus où l'on est, Den n'est pas Den,
Kath sa compagne, n'est pas Kath... on vogue entre réalité
et rêve... et on retrouve finalement Kil, qui se fait passer pour
Kath... (...) De plus le dessin a perdu en intensité, pour laisser
place à de grosses cases aux couleurs vives faisant penser à de la
BD pour enfant.
Trop de temps s'est écoulé entre Den III et Den IV; le fil est
rompu. La scène éruptives de ce dernier chapitre rappelle
étrangement celle de la fin du troisième et on laisse à
nouveau Den soit disant mort, comme à la fin du premier
chapitre. ... Déception pour le fan.
Un retour mitigé donc, qui laisse planer alors un doute sur les
facultés de Corben, à l'aube des années 90 à présenter de nouveaux
chefs d'oeuvre, sans insister sur la technique du dessin, sans
comparaison.
Ce retour "manqué" est cependant supporté par la parution en
France de quelques planches, chez le même éditeur, sur des
scénarios de BRUCE JONES (*) et l'on découvre à peu près à la
même période une ou deux grosses BD d'un autre accabit, en noir et
blanc, et en couleur, qui elles sont exceptionnelles et nous
ramènent le Corben que nous aimons, (Temps
Déchiré et Fils du
monde mutant, 1991.)
Il s'agit de BD sortant de l'univers de Den, beaucoup moins
"brouillonnes", et dont on a le privilège de pouvoir goûter
à une traduction. Un espoir ?
(Texte revu, publié à l'origine dans Larsen fanzine, 1997/ F.
Guigue)
* "Bruce Jones présente" : histoire issues des comics
"Twisted tales" (Fantagor press 1982-82) |
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2000
: les éditions Toth
Dix ans plus tard, fin 1999, les nouvelles éditions Toth
(Paris) ouvrent leur catalogue avec deux histoires de Den
: "La quête". C'est la suite inédite en France
de la saga de Den.
(Den V : Le prologue ?)
Même si ces histoires sont un peu décousues,
c'est avec plaisir que l'on retrouve l'auteur, d'autant
plus que les dessins et les scénarios sont à nouveau un peu
plus méritant. On recolle les bouts tant bien que
mal, et la saga finit par se réveler dans son intégralité,
même si tout cela est un peu cafouilli au final.
Suivront : La
maison au bord du monde : superbe adaptation d'un
roman fantastique de Hodgson, puis la traduction de Aliens
alchemy, belle réussite aussi, ainsi qu'un Hellblazer,
puis Solo, (histoires
courtes),
et
Big Foot : très belle histoire sanglante de
monstre poilu dans les rocheuses. Ces histoires étaient pour
la plupart issues des comics édités chez Fantagor press, la
maison de Corben, maison dont proviennent d'ailleurs la
plupart des derniers inédits parus ou non dans Special USA mag
à la fin des années 90. (Son
of mutant world 4/5, Den
saga, From the pit, Flinch, Horror
in the dark, ...etc.).
Durant ces années
2000, c'est aussi la maison des idées Marvel
(Panini en France) qui a pris le relais avec la publication
en français de : Cage,
Ghost rider, Banner ("Hulk"), Punisher,
ou l'Antre
de l'horreur, histoires d'Edgar Alan Poe.
Une petite période
de transition, où l'auteur, occupé à réaliser des
couvertures pour de nombreuses séries de comics (dont Swamp
thing, Jona Hex, Hellboy.. etc.), voire quelques
récits sur ces licences, nous éloigne de sa période faste.
Années 2010 : Dark
Horse, Marvel,
puis Delcourt,
Panini comic et ...Délirium.
Il faudra attendre 2012 pour se régaler d'un retour
inespéré de Richard Corben, avec Ragemoor,
puis Rat
God (en 2015), deux superbes récits
complets chez Dark Horse, maison qui le bichonne apparemment.
(Voir bibliographie). En France, c'est Délirium qui traduit
ces récits, aux côté de Delcourt (avec Hellboy) et Panini
comics (récits Marvel alternatifs).
En janvier 2019, Richard Corben, élu grand prix l'année
précédente, est honoré à Angoulême avec une exposition méritée
et inédite, mettant l'ensemble de son oeuvre en lumière.
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